Je ne suis pas de ceux qui croient que tout fout le camp, que les valeurs s’effritent et que le monde va sens dessus dessous. Bien sûr, plusieurs choix de société sont discutables, certains semblent perdre leurs repères, des guerres sévissent encore et plein de méfaits émaillent le téléjournal. Mais, à mon avis, ne porter attention qu’à ces réalités manifeste un regard biaisé. Les mauvaises nouvelles font toujours plus jaser. Non?
Même chose pour la religion. La pratique diminue, les gens n’ont plus la foi… Peut-être! Mais n’est-ce pas plutôt une façon de pratiquer et de voir la foi qui change? Pour ma part, je crois que, dans notre société pluraliste, la quête de sens n’a jamais été aussi forte. Les réponses pleuvent, mais surtout les questions! En posant un regard juste sur notre société, on peut voir qu’elle est en recherche, que les réponses n’apparaissent plus aussi sûres. Elle se met en mouvement, et refuse la stagnation. L’eau croupit quand elle ne circule pas…
J’ai eu l’occasion de voir L’Heureux naufrage du jeune réalisateur Guillaume Tremblay, excellent documentaire qui met en relief cette quête de sens des Québécois, malgré leur éloignement d’une certaine pratique religieuse. Comme le mentionne l’auteur Frédéric Lenoir, interviewé, «la religion dogmatique et dominante, on n’en veut plus!» Les gens font face à un certain vide qu’ils cherchent à combler, mais les réponses toutes faites ne les satisfont plus. Cela dit, la question de Dieu est plus que jamais d’actualité : existe-t-il? À cette question, l’auteur Eric-Emmanuel Schmitt affirme qu’il n’y a aujourd’hui que deux réponses possibles : «Je ne sais pas, mais je crois que oui» ou «Je ne sais pas, mais je crois que non». Plus que ça, on déguerpit: les vérités clamées font peur! On veut rester libres.
Chose certaine, des valeurs dites chrétiennes ont toujours la cote; on cherche toujours à les transmettre à ses enfants. L’amour, le pardon, la solidarité, la justice, l’humilité restent des chemins d’humanité qui interpellent à «vivre davantage». Aussi, conscients de ce besoin de transcendance qui les tenaille, les gens le nomment de plus en plus clairement. Un peu partout. Comme dans cette chanson de Damien Robitaille, tirée de l’album Homme autonome (2009), qu’on reprend dans le documentaire :
Je suis au bout, je n’sais plus par où tourner.
Tellement coincé, tellement perdu.
Comme l’homme aveugle, j’ai besoin d’être guidé.
Tends-moi la main, tout seul je n’y arrive plus.
Y a-t-il quelqu’un qui pourrait m’aider à vivre?
Y a-t-il quelqu’un que je pourrais suivre?
Dans ce village, dans ce pays, sur cette terre?
Y a-t-il quelqu’un? Y a-t-il quelqu’un?
Comme l’oiseau aux ailes brisées, je désespère.
En manque de soins, en manque d’amour.
Sur mes genoux ce soir, je récite une prière.
En espérant voir un plus beau jour.
La réponse reste incertaine, mais la question interpelle. Comme une invitation à prendre son vide en main, à avancer, sans trop savoir, avec confiance vers l’avenir et à croire en quelque chose qui nous dépasse.